Le combat contre les abus sexuels en ligne s’invite là où on l’attend de plus en plus : dans l’univers des cryptomonnaies. La société britannique Elliptic, experte en traçage d’actifs numériques, vient d’annoncer son adhésion à l’Internet Watch Foundation (IWF).

Une alliance technique, mais surtout symbolique, face à l’utilisation croissante des monnaies numériques dans le commerce de contenus pédopornographiques.

Derrière ce partenariat, une réalité dérangeante que les chiffres ne laissent plus ignorer.

Selon le rapport annuel 2024 de l’IWF, près des deux tiers des sites marchands hébergeant des contenus d’abus sexuels sur mineurs, et affichant une méthode de paiement, proposaient… les cryptomonnaies. 60,87 %, très exactement. Et la tendance ne faiblit pas.

Une économie de l’ombre, mais de plus en plus visible

On pourrait croire qu’avec la vigilance renforcée des plateformes et l’action des régulateurs, le phénomène recule. Mais non.

En réalité, la crypto est devenue le carburant discret de nombreuses places criminelles. Et dans ce que l’humanité produit de plus abject, ces réseaux se sont adaptés, affinés, spécialisés.

Le constat de l’IWF est sans appel : parmi 851 pages web analysées sur des sites commerciaux hébergeant du CSAM (Child Sexual Abuse Material), plus de 500 acceptaient les cryptos.

Et ce chiffre n’est pas une surprise. En 2022 déjà, l’organisation observait que les sites de ce type doublent presque chaque année, depuis 2015, dès qu’ils peuvent utiliser des monnaies numériques. Une dynamique inquiétante.

Elliptic entre en action

Ce que change l’entrée d’Elliptic dans le dispositif, c’est l’accès aux outils. L’entreprise pourra désormais consulter en temps réel les données d’alerte fournies par l’IWF.

C’est-à-dire, adresses de portefeuilles identifiés, réseaux de transactions suspects, signaux faibles.

En retour, ses propres capacités d’analyse – utilisées notamment par des plateformes d’échange crypto ou des forces de l’ordre – s’enrichissent de sources critiques.

Objectif : remonter les flux. Comprendre qui finance quoi. Couper les robinets dès que possible.

Monero, Zcash et les autres : les jetons invisibles

La traque ne sera pas simple. Depuis quelques années, une autre tendance s’affirme : l’usage croissant des “privacy coins”, ces cryptomonnaies conçues pour masquer à la fois l’expéditeur, le destinataire et le montant des transactions. Monero (XMR), en tête.

Selon une note confidentielle de Chainalysis publiée début 2024, de nombreux vendeurs de CSAM migrent vers ces actifs.

Le raisonnement est simple : moins de traces, plus de survie. Plus difficile à détecter, plus difficile à couper.

Mais la plupart des analystes le savent : ces cryptomonnaies ne viennent pas remplacer les autres. Elles sont souvent utilisées en complément, comme outil de dissimulation.

Les échanges se font parfois en Bitcoin, puis transitent par Monero pour brouiller les pistes.

Elliptic exprime d’ailleurs que ses technologies s’adaptent à ce jeu du chat et de la souris, en recherchant des motifs plutôt que des preuves isolées.

Une pression politique grandissante

La politique suit, de temps en temps, avec quelques longueurs de retard.

En 2023, une lettre ouverte signée par Elizabeth Warren, sénatrice du Massachusetts, et Bill Cassidy, sénateur républicain de Louisiane, alertait déjà les autorités américaines : les cryptomonnaies sont en train de devenir le moyen de paiement de prédilection pour l’achat de CSAM.

La lettre visait les départements de la Justice et de la Sécurité intérieure.

Rien de très nouveau pour les observateurs. Mais une confirmation de plus que le sujet dépasse la technique. Il touche aux lignes rouges de la société.

Vers une riposte globale ?

Le secteur crypto est souvent accusé de passivité. Pourtant, Elliptic n’est pas seule à travailler avec l’IWF. D’autres sociétés comme Chainalysis collaborent déjà à l’identification des flux suspects, avec des résultats concrets.

Des sites ferment, des portefeuilles sont blacklistés, des pistes sont remontées.

Mais ces actions restent fragmentées. Et les groupes criminels, eux, ne s’arrêtent pas à une frontière.

L’IWF le sait : sa crédibilité passe par l’élargissement de son réseau dans la tech. Sa porte-parole, Cat McShane, l’a répété récemment – chaque nouvelle coopération avec un acteur du secteur crypto renforce sa capacité d’intervention.

L’arrivée d’Elliptic est donc un signal.

Conclusion : vigilance sans relâche

Le combat contre les crimes sexuels en ligne n’est pas nouveau. Mais le champ de bataille a changé. Et il se déplace aujourd’hui dans les méandres de la finance numérique, des blockchains et des places d’échange opaques.

Finalement, ce que montre l’entrée d’Elliptic dans le jeu, c’est que certaines entreprises crypto prennent leurs responsabilités. Dans un monde où tout s’achète et se vend, même l’horreur, cette vigilance-là, vaut de l’or.


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Esteban Durant
Esteban Durant

Trader en crypto-actifs depuis plusieurs années et passionné par l’univers décentralisé, je combine analyse technique, compréhension des fondamentaux et suivi macroéconomique pour naviguer efficacement sur les marchés volatils. J’ai découvert le Bitcoin en 2016, mais c’est en 2018, en pleine... Lire la suite

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